Croiser les représentations

De Wiki @ Brest

Révision de 10 mai 2013 à 12:30 par Briand (discussion | contributions) (Quelques ressources pratiques)

Croiser les représentations pour construire ou évaluer un projet partagé

une recette libre proposée par Bernard Brunet le 10 mai 2013, un texte sous licence CC by sa

Présentation de la méthode

Résumé

Il s’agit d’une méthode d’animation participative destinée à identifier (pour les prendre en compte comme un atout) les convergences et les divergences de représentations qui existent nécessairement au sein de toute collectivité, communauté ou groupe de personnes engagées dans un projet commun.

Pourquoi se lancer dans l’utilisation de cette méthode ? 

Quels que soit le projet collectif susceptible d’associer différentes catégories d’acteurs à son élaboration puis à sa mise en œuvre, la méthode qui consiste à collecter puis à croiser les points de vue (les représentations) que peuvent avoir les différents protagonistes de ses enjeux, permet le plus souvent d’engager une dynamique collaborative qui contribue au succès de l’initiative.

Il est ainsi normal et légitime, à l’échelle par exemple d’un territoire local, qu’un simple habitant, un élu local, un responsable syndical, un travailleur social, un chef d’entreprise ou encore un responsable associatif aient une vision différente des enjeux et des solutions à apporter à une question d’aménagement du territoire, de développement économique, de service public, de cohésion sociale, de gouvernance participative… Pourtant, lorsque se donne la peine de collecter individuellement ces différents avis, puis de superposer les réponses que chaque groupe peut y apporter, on s’aperçoit que les convergences sont toujours plus importantes que les divergences.

Acter les convergences permet d’établir un socle de consensus pour l’action. Il n’en existe pas moins de nombreux points de convergences dont l’identification permet d’acter les bases indispensables du travail en commun.

== A savoir avant de se lancer == (difficulté -1 à 5 étoiles, temps et moyens nécessaires, coûts)

  • Préparer sérieusement l’exercice par des rencontres avec les acteurs, un diagnostic partagé et/ou une démarche d’évaluation ***
  • Avoir déjà participé à un exercice du même type, ou bien s’être « fait la main » au cours d’un ou deux exercices « à blanc » **

Comment faire ?

La recette pour les pressés

Il s’agit tout d’abord d’élaborer de formuler nombre restreint (6 ou 7) de questions stratégiques et prospectives, susceptibles d’interpeller vigoureusement les participants à l’exercice sur les finalités, les résultats, la mise en œuvre et la gouvernance du projet considéré.

Ces questions sont formulées de telle manière qu’il puisse y être apportée sous la forme d’une note évaluative, une réponse collective par chaque groupe de parties-prenantes. Présentées et explicitées devant l’ensemble des participants en introduction de l’atelier, les questions sont ensuite débattues en groupes de travail (spécialisés par « catégories » de parties-prenantes) pendant 60 ou 90 minutes. Un animateur est chargé dans chaque groupe de conduire le débat sur chacune des questions et de proposer à son terme d’y répondre par l’affectation d’une note consensuelle.

A l’issue de ce premier temps de travail, les animateurs superposent les réponses de chaque groupe, pour en identifier les convergences (appréciations unanimement positives ou négatives) et les divergences (questions auxquelles les groupes donné des réponses opposées). Ce temps de travail des animateurs (15 à 20 minutes) est l’occasion pour les autres participants d’une pause conviviale.

Un deuxième temps de travail réunissant tous les participants permet alors d’acter les points convergences qui constitueront un « socle de consensus objectivé » pour l’évaluation, puis de débattre point par point des divergences afin d’en comprendre et d’en intégrer les ressorts, lesquels constitueront un précieux gisement d’informations pour l’amélioration de l’action.

A faire avant

  • Bien expliciter le principe de l’exercice dans l’invitation faite aux participants
  • Bien maîtriser son sujet
  • Formuler un corpus de questions pertinentes
  • Proposer une composition des groupes de parties-prenantes qui fasse sens
  • Disposer d’un lieu adéquat (une ou plusieurs salles) et d’un temps minimum de 3h

A faire pendant

L’exercice se déroule en trois temps, avec une pause entre le deuxième et le troisième temps :

  • Premier temps :

L’animateur principal présente à l’ensemble des participants le principe de l’exercice, en précise le déroulement, indique les objectifs et la restitution qu’il en sera faite ainsi que la composition des groupes de travail. Puis il présente rapidement le corpus de questions et en précise la logique ainsi que la manière d’y répondre (notation de 1 à 4). Un temps court de questions/réponses (éclaircissements) peut s’en suivre.

  • Deuxième temps :

Les groupes de travail (12/15 personnes maxi représentant une « catégorie » de parties-prenantes homogène) se réunissent au quatre coins de la salle ou dans des salles contigües. Chaque groupe est doté en son sein un animateur (assisté éventuellement d’un rapporteur) préalablement briefé sur la méthode d’animation, qui va :

  • Introduire l’atelier et rappeler son principe de fonctionnement après avoir procédé à un rapide tour de table (chacun des participants va être invité à tour de rôle à s’exprimer sur chaque question (mais peut aussi indiquer qu’il ne souhaite pas répondre), sans prendre plus d’une minute par intervention. A la fin du tour de table l’animateur propose une note de 1 à 4 que pourrait attribuer le groupe à la question. La note est attribuée par consensus mais en cas de divergence dans le groupe la question n’est pas notée et est signalée par une croix).
  • Animer les tours de table successifs pour chacune des questions (l’animateur lit et commente le corps général de la question. Puis il énonce la première question et lance le tour de table. S’il estime qu’un participant sort du sujet ou consomme trop de temps de parole l’animateur intervient avec humour et bon sens. Même s’il est secondé par un rapporteur, l’animateur prend des notes sous forme de mots clés pour retenir les termes du débat et les principaux motifs de la note attribuée par le groupe à chaque question. A l’issue du tour de table il propose une note. Les participants acquiescent par consensus ou expriment des avis divergents. L’animateur écrit la note en face de la question sur sa feuille du groupe. L’animateur énonce ensuite la deuxième question et lance le tour de table en commençant par un autre participant que celui/celle qui a répondu en premier à la question précédente).
  • Mettre au propre la synthèse (à l’issue de l’atelier l’animateur rejoint ses collègues des autres groupes et recopie ses notes sur la feuille de synthèse. Il donne ses indications de vote au rapporteur général. Puis au cours de la réunion plénière, il seconde le rapporteur général dans l’explicitation des notes attribuées par son groupe).
  • Troisième temps :

Les animateurs et rapporteurs se réunissent 10/15 minutes pendant que les participants sont invités à faire une pause (qui peut éventuellement comprendre des rafraichissements et une collation en fonction de l’horaire retenu pour la séquence) pour élaborer une première synthèse de l’exercice (à chaud) avant de la restituer et d’en débattre avec l’ensemble des participants : Les feuilles de réponses de chaque groupe sont « superposées » pour faire apparaître « par transparence » les convergences positives (tous les groupes ont attribué une note 3 ou 4 à telle question), les convergences négatives (tous les groupes ont attribué une note 1 ou 2 à telle question), et les divergences (tel groupe a porté une appréciation négative alors que les autres ont donné des notes positives, ou vice-versa). Les convergences sont rapidement analysées pour être présentées à chaud en indiquant aux participants qu’elles forment « un socle de consensus » sur lequel ils vont pouvoir efficacement adosser la construction ou l’amélioration de leur projet.

Puis c’est au tour des points de divergences d’être analysés au regard des débats qui ont eu lieu dans chaque groupe pour aboutir à des notations contradictoires. Lors de la réunion plénière, les points de divergence sont présentés un par un et explicités par les animateurs et participants des groupes concernés.

L’animateur principal conclut la séquence par une synthèse à chaud, valorisant le socle de consensus et démontrant que les divergences de représentations constituent une richesse pour le groupe du moment que chacun en son sein reconnaît à l’autre le droit de penser différemment.

==A faire après == (avec quoi repart-on ? comment partager et diffuser ? évaluation) A l’issue d’un tel exercice, il revient à l’animateur de réaliser une synthèse écrite, complète et rédigée, comprenant :

  • Un rappel des questions et de leur genèse.
  • Un tableau récapitulatif des réponses apportés par les trois groupes.
  • Une synthèse rédigé du contenu des débats des groupes pour chacune des questions.
  • La synthèse des convergences et la description du socle de consensus.
  • La liste des points de divergence et l’explication de leurs raison d’être.
  • Eventuellement un tableau AFOM (atouts, faiblesses, opportunités, menaces) reprenant les principaux enseignements de l’exercice.

Mieux comprendre la méthode

L’origine de la méthode et son histoire

Mes premiers contacts avec cette idée féconde de travailler sur le croisement des représentations datent des années 90 à l’occasion de trois rencontres importantes avec :

  • Yves Gorgeu (directeur d’études à Mairie-conseils et à la Fédération des Parcs Naturels Régionaux, figure historique du développement local) qui a théorisé l’idée du croisement des regards dans ses travaux avec acteurs territoriaux du Paysage (premières chartes paysagères),
  • Claude Holl (un ingénieur agronome féru d’éducation populaire) qui a animé un programme européen de « gestion concertée de l’eau » sur les bassins versants, en croisant (par exemple) les représentations (contrastées !) des agriculteurs riverains, des pêcheurs, des kayakistes et des Maires des communes riveraines…
  • Et surtout Patrick Viveret qui m’a donné à comprendre tout l’intérêt et la richesse des convergences et divergences pour l’élaboration d’un consensus.

Les étapes marquantes, les détournements et évolutions du projet initial 

Expérimentée la première fois au cours de cette même décennie avec les acteurs territoriaux de l’insertion (comment un élu local, un travailleur social et un bénéficiaire du RMI se représentent-ils l’utilité d’un chantier d’insertion…), la méthode s’est perfectionnée et enrichie jusqu’à aujourd’hui au service de mon activité de conseil au sein de la Scop Sapie.

Elle s’est avérée de plus en plus pertinente au fil de l’expérience acquise dans des missions d’évaluation, d’accompagnement de démarches prospectives et de construction de projets partagés.

Sans cesse en évolution pour s’adapter aux contextes spécifiques de chaque mission, c’est la première fois que je m’efforce de la documenter pour en décrire le code-source.

Les freins, les problèmes non résolus, les défis

Je n’ai pas rencontré de freins à proprement parler. Mais l’analyse a posteriori d’une ou deux sessions dont les résultats avaient été moins probants a montré que la qualité du travail préalable avec les acteurs était prépondérante. La méthode ne souffre pas de reposer sur un questionnement qui ne soit pas véritablement en résonnance par rapport au contexte et aux préoccupations des parties-prenantes.

Le défi serait que la « libération » de cette méthode permette d’en démultiplier l’usage et le nombre d’animateurs, afin de vérifier sa pertinence à un plus large échelle tout en l’améliorant de manière collaborative.

Les éléments facilitateurs

Sur le principe du recours à cette méthode d’animation participative les éléments facilitateurs sont : De l’appliquer à une problématique complexe, bien identifiée et concernant différentes catégories d’acteurs. De pouvoir constituer des groupes (de 2 à 4 maximum, l’idéal étant 3) qui se reconnaissent dans une définition commune (habitants, élus, techniciens…) ou un regard commun (usager ou prestataire de services publics par exemple). Concernant l’organisation matérielle de cette méthode, les éléments facilitateurs sont :

  • D’arriver à programmer un horaire qui conviennent à tous les acteurs (le format 18h – 21h30 avec une pause grignotage par exemple).
  • De disposer d’une grande salle pas trop sonore où se tiendront les plénières et les groupes, ou bien de petites salles adjacentes pour les groupes de travail.

Conditions de réutilisation

Le partage de la recette et l’utilisation de la méthode par d’autres que moi.

Exemples concrets 

Je donne en annexe deux exemples de synthèse d’exercices réalisés avec une communauté de communes pour son projet de développement et avec un groupe de coopératives agricoles pour l’évaluation de le démarche RSE. (mettre en documents attachés)

  • Exemple de questions et de la synthèse des notes apportées par trois groupe de parties prenantes d’un projet de développement intercommunal
  • synthèse et enseignements de l’exercice d’auto-évaluation croisée conduit avec les parties-prenantes du programme 3d en aquitaine le 31 mai 2012

Des ressources pour aller plus loin

==Bibliographie==  Cette note en constitue sans doute le premier item.

Pour ne pas rester seul

Créer un réseau avec celles et ceux qui tenteront l’expérience.

Quelques ressources pratiques

Je joins également en annexe un exemple de courrier d’invitation aux participants, ainsi qu’un vade-mecum à l’usage des animateurs.

Retours d’expérience de ceux qui ont testé cette recette 

Partagée au sein de la Scop Sapie, la méthode est aujourd’hui utilisée avec bonheur par quelques unes de mes collègues.

Passer à l’échelle ? 

A venir grâce à cette initiative de partage de recettes libres.