Descriptif du projet initial

De Wiki @ Brest

Cadre Scientifique

1.Contexte général.

Les organisations publiques et les professionnels qui les composent ont pour habitude de traiter les biens publics informationnels(1) qu'ils détiennent, produisent et gèrent comme des biens enclos, c'est-à-dire privatisés et mis à la disposition de groupes fermés d'usagers. Or, depuis quelques années, on assiste à l'ouverture des fonds de biens publics informationnels grâce notamment à leur mise à disposition sur Internet.(2) Cette ouverture ne se traduit pas uniquement par la mise en ligne des contenus mais par la possibilité qui est donnée aux 'publics' de participer, librement(3), à l'enrichissement et à la glose de ces biens (4).

Ce mouvement d'ouverture des biens publics informationnels au plus grand nombre pose la question générale de savoir comment les professionnels des organisations publiques abordent, dans leurs relations sociales et leurs pratiques professionnelles, les changements liés à l'introduction des outils et des méthodes qui sous-tendent la société de l'information. Il suggère donc que les changements introduits dans les modalités d'exercice du service public concerné touchent à la fois la production de contenu (savoir), la production de méthodes (savoir-faire), la redéfinition des liens sociaux (savoir-être) entre tous les acteurs concernés (professionnels et public(s). Cette approche collaborative marque une transformation du rapport au public qui n'est plus seulement consommateur mais aussi contributeur, voire partenaire. Elle questionne également la manière dont les biens produits, de manière collaborative, sont utilisés et appropriés.

Ce mouvement d'ouverture co-existe avec les extensions constantes apportées au droit de propriété sous la pression des éditeurs. En effet, à côté de l'émergence des contenus ouverts amplifiés par le web 2.0 (flick-R, daily motion, blogs, pair à pair) nous assistons à un mouvement d'enclosure et de vente monopolistique. En France, ce double mouvement se retrouve également parmi les fournisseurs de biens informationnels qui relèvent du service public. D'un côté, des biens publics, comme les données cartographiques ou météorologiques, sont mis en accès fermé(5); de l'autre, des initiatives, comme la mise en ligne d'émissions radiophoniques, favorisent l'ouverture des accès voire de la production(6). Cette évolution est à analyser dans le contexte global, économique et juridique, des nouvelles formes de productions de biens informationnels marchands : la production à coût marginal quasi nul(7), les rendements croissants et les situations monopolistiques arrachées par l'évolution du droit et des contrôles (prolongation des droits patrimoniaux, DADVSI, brevets sur le vivant et sur les logiciels.). Elle pose donc la question des modèles économiques qui sous-tendent les choix qui sont faits, notamment dans des secteurs, a priori, non marchands.

On est en droit de s'interroger sur l'efficience et l'efficacité de ces modes de production et d'appropriation des biens informationnels. En effet, il s'agit d'évaluer la qualité des résultats et des processus de la mise en production commune des biens informationnels publics, alors qu'ils sortent de l'institution pour être utilisés, exploités par des personnes dont les compétences ne sont pas le fruit de cette institution mais d'autres processus. Cela pose également la question de sa capacité à produire de nouveaux biens et donc de nouvelles valeurs.

Il y a donc deux sujets sous-jacents :

(i) D'une part la question de l'agrégation de productions par les consommateurs et de la fourniture des plates-formes permettant cette agrégation dans de bonnes conditions (l'écriture / lecture critique) ;

(ii) D'autre part la question de la diffusion de données (et de résultats) coûteuses à produire mais essentiellement non-rivales et collectées dans le cadre d'un service public. Le projet tel qu’il est présenté ici, est le fruit de la réflexion menée au sein de différentes instances, praticiennes, politiques et scientifiques comme l’atteste la qualité des partenariats, scientifiques et institutionnels, qui sont en cours et qui augure une portée bien au delà du cadre annuel des crédits incitatifs.

Ce projet est conçu comme une étape préliminaire majeure dans le sens où il doit permettre un travail d’échanges et de réflexions théoriques interdisciplinaires et pluri-sectoriels. Il s'agit de travailler à la structuration de ces réflexions en vue de la préparation de réponses à des appels à projet nationaux ou internationaux. Par la suite, en nous appuyant sur travail théorique de problématisation et sur l’implication de partenaires institutionnels, nous pourrons mobiliser des ressources dans des démarches plus appliquées.

Le projet BICOOP (des BIens publics aux biens communs, COllaboration, Organisations et Pratiques), sur les systèmes publics de production de services, s'articule avec le projet COSI (Connaissances ouvertes et stratégies industrielles), sur les systèmes de production privée de connaissance. BICOOP et COSI s'intéressent à deux domaines diagonaux de la production d'information.

2. État de l’art.

L’usage d’outils collaboratifs pour des tâches de publication (autrement dit de rédaction, de mise en forme et d’enrichissement) de biens informationnels, dans le cadre de missions de service public met en résonance la question de l’évolution de la fonction éditoriale qui touche à la fois des cœurs de métiers liés à la publication, à l’archivage ou la communication, l’adaptation des règles organisationnelles formelles qui doivent souvent faire face à des initiatives individuelles qui s’éloignent des pressions hiérarchiques traditionnelles mais aussi la réflexion économique quant aux coûts liés à la production et à la diffusion des biens produits. Enfin il est question de l’exercice de missions du service public et de la manière dont les biens produits sont utilisés.

En vue de proposer une analyse enrichie par la pluridisciplinarité et la participation de praticiens, ce projet mobilise plusieurs disciplines des sciences sociales qui se croisent sur les questionnements liés aux effets du changement et de l’innovation sur les organisations et les identités professionnelles. En effet, grâce aux travaux des théoriciens des organisations, on sait que le rapport entre technologie et organisation est complexe et contingent. Ainsi, notre projet s’inscrit dans la tradition académique de la sociologie des usages et s’adosse aux grands paradigmes des sciences sociales pour expliquer les phénomènes sociaux liés aux TIC : l’économie et le monde du travail, la production et la diffusion de la connaissance, l’action politique et la citoyenneté, la régulation, etc.

Dans le domaine professionnel, les champs de recherches se sont principalement intéressés à l’usage des services en ligne, qu’il s’agisse du commerce, de l’Intranet ou du travail collaboratif (calendrier et gestion partagée des tâches de production ou de gestion du personnel, etc). D’autres ont cherché à expliquer comment les acteurs négocient les changements imputables à l’introduction des TIC dans leurs réseaux d’appartenances, leurs sociabilités et finalement leurs identités sociales et professionnelles. À l’instar des travaux d’A. Rallet et de C. Poirier sur la relation de travail ; ou du dernier opus publié sous la direction d’Anne-France de Saint-Laurent Kogan et de Jean-Luc Metzger, qui, grâce à une démarche pluridisciplinaire ont tenté d’approfondir la notion de collectif, la question de l’apprentissage des TIC et la notion de document. De même, les chercheurs ont su mobiliser l’approche par les identités professionnelles pour étudier les effets de l’introduction de nouveaux outils dans les métiers (Sandoval, 2000) tels que ceux de l’architecture, de la construction et de l’aménagement (Dauguet, 1999), du journalisme et de la presse locale (Ruellan, Thierry, 1998), des travailleurs sociaux (Romier, 2001).

On retrouve également, les chercheurs intéressés par les dynamiques d’innovation et de développement organisationnel que ce soit pour la gestion interne de la défense (Bellais, 1999), le secteur de la santé (Bonneville, 2003), des collectivités territoriales. Qu’ils étudient les outils de travail en réseau (Vedel, 2003), les systèmes d’information dans la coopération multi-acteurs (Roche, 2003), ou les stratégies organisationnelles vis-à-vis du développement des TIC (Eveno, 2004). Par ailleurs, la question que nous posons sur l’usage des outils collaboratifs et l’ouverture des contenus, n’est pas sans rappeler les travaux qui ont été menés parmi les communautés médiatées par ordinateur tels que les hackers, les adeptes du logiciel libres ou ceux des jeux de rôle interactifs, les spécialistes des échanges de fichiers (Beuscart, 2002). En effet, ceux-ci questionnent à la fois les aspects identitaires, les processus de structuration de ces communautés, la production de contenu et les modèles économiques qui les sous-tendent.

Notre projet soulève un second axe paradigmatique liée à l’action publique et interpelle à nouveau les différentes disciplines conviées : sciences juridiques, administrative et politiques, sociologie et économie.

L’analyse des usages dans les administrations et les collectivités territoriales donne des résultats encore parcellaires. Les principales procédures, visées par la recherche sont largement liées à l’exercice de la e-démocratie et de la e-administration. Ainsi, Monnoyer-Smith et Maigret (2000) ont montré comment les TIC permettent d’alimenter la symbolique et la transparence, mères de vertu dont se parent les organisations communales ; Morvan (2002) et Pailliart (2003) étudient comment la communication électronique des municipalités, et donc la communication politique devient peu à peu une composante d’une stratégie plus générale de gestion des télécommunications dans les villes même si, au finale Loiseau (2000) montre que cela modifie peu le paysage politique municipal. Cependant, alors que les outils collaboratifs offrent de nouveaux moyens de travail et d’implication des citoyens dans la vie de la cité, nous ne pouvons ignorer le fait que peu de collectivités territoriales les choisissent.

Les recherches, à l’instar du discours politique — les enjeux de l’administration électronique sont vastes — se sont polarisées sur les nouveaux services offerts aux citoyens afin d’en extraire les inconvénients et les avantages. Néanmoins, l’essentiel des travaux, souvent à portée opérationnelle (Bénard, Coste, 2003) dénonce la qualité et l’information en ligne qui est mal structurée, avec peu de cohérences graphiques et cognitives entre les différents sites du service public, notamment autour du portail Servicepublic.fr. et pose la question de savoir qui gère, synchronise, centralise ou est encore responsable de ces informations.

Cela conforte bien notre projet de comprendre les effets organisationnels et professionnels de l’usage des TIC sur l’organisation et l’exercice des services publics comme le souligne le CERSA. Il s’agit à la fois de s’interroger sur l’évolution des rôles de régulateur social du service public, de promoteur de l’intérêt général mais aussi sur l’évolution des statuts des biens publics et du domaine public.

C’est pourquoi, le dernier axe paradigmatique est celui qui interroge les notions de biens, de bien communs et de biens publics. Là encore, l’économie et la philosophie, l’anthropologie et la sociologie, les sciences juridiques et politiques servent de base à notre questionnement.

Sous l’effet de l’évolution des modèles économiques et la pression des décideurs économiques, ces questions ont largement été investies par les juristes et les économistes. À l’instar des travaux de Yochai Benkler sur les interactions entre le droit, la technologie et les institutions économiques. Celui-ci, en effet, étudie l'organisation de la production et l'échange de l'information et la répartition du contrôle des flux d'information, du savoir, et de la culture dans l'environnement numérique. Il s’interroge sur le rôle et la pérennité des approches non-propriétaires, ou basées sur les biens communs, pour la production et l'échange de l'information et sur leur rôle en termes de démocratie et de liberté individuelle (Benkler, 2006). À ce titre, la question générale qui est posée aux industries culturelles par le développement des TIC est celle de l'évolution de leur modèle d'affaires. « Celui-ci reposait sur la commercialisation d'objets physiques (les livres, les disques, etc.) ; or ces biens deviennent non-rivaux car les techniques aujourd'hui développées permettent, pour des coûts très faibles, d'extraire, de traiter, de copier, d'inscrire sur de nouveaux supports, toutes les informations (textes, sons, images, images animées) » (Gensollen, 2004). Il est donc question d’établir la valeur des biens produits : il apparaît alors qu’il ne peut s’agir uniquement d’une valeur monétaire mais aussi sociale et symbolique.

Pour les philosophes et les historiens des idées, le bien s'oppose au mal ; une approche utilitariste, à la Jeremy Bentham, dirait que c'est l'objet du désir versus l'objet de la répulsion. Le terme bien public vient de la science économique et ne recouvre pas le sens de "bien commun". Il y a donc une certaine difficulté à faire la part des choses. Le commun pose la question de la frontière entre privé et public (fondateur de la démocratie selon Arendt, il faut pouvoir disposer d'un privé pour pouvoir avoir des pensées privées par extension, la transparence totale est synonyme de totalitarisme). Elle pose également la question cosmopolitique de l'étranger (Stengers, 2003) ; en effet, le commun anglophone n'est pas le commun sinophone et ce ne sont pas simplement des différences linguistiques mais des représentations du monde. Les échanges sont réglés par des processus de traduction. Le commun peut être impérialiste (lorsque Jules Ferry éradique les langues régionales au profit d’une langue régionale qui devient commune : français) ou fondateur. Selon René Girard, le commun renvoie au sacré, c’est ce pour quoi on est prêt à mourir ; c’est ce sur quoi le groupe se resserre tout en expulsant autrui, le bouc émissaire (1982). Pour Carl Schmitt, le politique c'est savoir distinguer l’ami de l’ennemi ; autrement dit celui avec qui on a des choses en commun et celui avec qui on n’en a pas. Dès lors, Charles Taylor souligne le travail que chacun doit faire pour hiérarchiser des identités multiples qu’il y a dans chaque personne : car celle-ci peut être citoyenne du monde et citoyenne de sa cité mais elle sera amenée à faire des choix.

Ce détour philosophique, montre bien à quel point la question de l’ouverture des biens publics ne relève pas uniquement d’un dispositif technique mais bien d’une démarche anthropologique de [re]-définition des cadres sociaux.

Par ailleurs, les philosophes mais aussi les sociologues et les anthropologues nous rappellent que la question des biens communs informationnels pose la question de leur archivage et de notre relation à la mémoire, de l'histoire et de sa construction. Elle reboucle alors sur celle de l’identité…ou plutôt des identités. Selon Nietzsche, la faculté d'oublier est vitale car elle permet de créer. L'oubli délie, délivre... mais il est aussi source de désorientation, de fragmentation. L'espace politique est fait d'âpres tractations entre oubli et mémoire (dates commémoratives, contenu des livres scolaires (voir les débats autour du colonialisme) etc. Ce qu'il est bon de faire figurer dans notre histoire ne peut être figé. La disparition brutale d'archives peut représenter des pertes "inestimables" (ex bibliothèque d'Alexandrie qui renfermait paraît-il les écrits aujourd'hui disparus d'Aristote Platon etc.). Bénédict Anderson dit que les nations contemporaines n'auraient pu se constituer sans l'imprimerie et la circulation suffisamment rapide de supports, permettant de faire durer un monde commun (par exemple en fixant les histoires, les cosmogonies, les légendes mais aussi les informations quotidiennes.). Alors que l'oral, de par les faibles capacités de la mémoire humaine, ne permet pas de constituer de vastes ensembles culturellement et linguistiquement homogènes.

Les médiations numériques, matérielles et immatérielles, modifient le travail de la mémoire et de l'oubli. En quel sens ? Avec quelles conséquences ? Comment faire en sorte que ces modifications ne soient pas source de chaos et d’anomie ? Ce sont là toutes les questions que soulève l’objet de notre projet.

3. Objectifs.

  • Rechercher les facteurs et les freins de l'adoption de méthodes de production collaborative ouverte de biens informationnels dans le cadre du secteur public.
  • Expliquer la dynamique qui conduit progressivement des acteurs du secteur public à sortir les biens informationnels de l'enclosure pour en ouvrir la production au plus grand nombre.
  • Comprendre le sens donné à ces biens publics informationnels par les professionnels des organisations publiques et les acteurs concernés (notamment les usagers).

Contenu Scientifique

1. Problématique de départ

Comment expliquer ce qui motive les professionnels d'une organisation publique ou contribuant au service public à mettre à la disposition du plus grand nombre des biens, de type informationnel, réservés auparavant à un public choisi et à s'impliquer dans des productions collaboratives ouvertes (grâce à l’utilisation d’outils de publication sur Internet) ?

2. Hypothèses.

  • {1} L'adoption de méthodes/pratiques de production collaborative ouverte dans le cadre d'organisations publiques est liée à trois facteurs:
    • (i) l'organisation et le fonctionnement des organisations concernées ;
    • (ii) les points de vue des professionnels qui les animent ;
    • (iii) la nature des objets informationnels.

{1a} La définition de(s) mission(s) de l'organisation publique est un facteur déterminant dans la décision d'adopter des méthodes/pratiques de production collaborative de biens informationnels.

{1b} L'identité de l'organisation publique est un facteur déterminant dans la décision d'adopter des méthodes/pratiques de production collaborative de biens informationnels.

{1c} Les actions et les relations sociales qui se développent sont le résultat de la façon dont les acteurs perçoivent leur propre situation et se perçoivent les uns par rapport aux autres.

{1d} Les caractéristiques des biens concernés sont un facteur déterminant dans la décision de les soumettre à des méthodes de production collaborative ouverte.

  • {2} L'adoption de méthodes de production collaborative dans le cadre d'organisations publiques suggère une modification de la définition de la mission de service public par les professionnels de ces organisations.

{2a} L'adoption de méthodes de production collaborative dans le cadre d'organisations publiques implique l'acceptation de la participation à la production informationnelle, d'acteurs et de réseaux d'acteurs profanes.

{2b} Les processus de production collaboratifs modifient la façon dont les acteurs perçoivent leur propre situation et se perçoivent les uns par rapport aux autres.

{2c} L'adoption de méthodes de production collaborative implique la création de nouveaux types de relations avec le public.

{2d} L'adoption de méthodes de production collaborative de biens informationnels est liée à la recherche de l'amélioration de l'efficience et l'efficacité du service par les acteurs publics.

3. Démarches et résultats attendus.

  • Rechercher les facteurs et les freins de l'adoption de méthodes de production collaborative ouverte de biens informationnels dans le cadre du secteur public.
  • Identifier et décrire les acteurs individuels et collectifs concernés par les décisions et actions de production collaborative de biens informationnels.
  • Identifier et décrire les organisations publiques concernées : (culture organisationnelle, histoire, domaine d'intervention, mais aussi origine des ressources, structure hiérarchique, mode et modèle de gestion, etc).
  • Recueillir les discours produits par les professionnels sur leurs pratiques et l'expérience des interactions qu'ils entretiennent dans le cadre de leur activité.
  • Décrire les pratiques professionnelles du service public exercées dans les organisations publiques et identifier les changements intervenus.
  • Décrire le(s) mission(s) de service public des organisations concernées, leur évolution et leur perception par les professionnels qui les composent.
  • Expliquer la dynamique qui conduit progressivement des acteurs du secteur public à sortir les biens informationnels de l'enclosure pour en ouvrir la production au plus grand nombre.
  • Caractériser les différents scénario possibles et existant pour la production et la gestion de biens publics informationnels (enclosure, marchandisation, ouverture, dissémination, appropriation, etc).
  • Décrire les relations entre les professionnels des organisations publiques et les publics concernés. (notion de service public, de bien public, d'intérêt général, de gouvernance)
  • Identifier et décrire les réseaux (expert, profane, pro-am) qui se développent.
  • Comprendre le sens donné à ces biens publics informationnels par les professionnels des organisations publiques.
  • Définir : Bien informationnel, Bien(s) public(s) physique(s) – mondiaux, Bien(s) public(s) social-aux, Immatériel, Bien(s) commun(s) informationnel(s).
  • Définir la nature des biens concernés : Archives, Mémoire collective, Mémoire de métiers, Mémoire de communauté (ville, quartier, ethnie).
  • Établir une grille de valeur permettant de tester l'efficience du service rendu : rapport entre les biens produits ou les services livrés et les ressources utilisées.
  • Recueillir les discours, arguments, jugements des professionnels quant à la nature des biens informationnels qu'ils produisent et/ou qu'ils co-produisent.
  • Analyser l'évolution des modes de production et en particulier les nouvelles formes de la fonction éditoriale(8) (sélection des contenus, co-évolution de l'offre des contenus en interaction avec les producteurs consommateurs).
  • Identifier les changements organisationnels liés à l'adoption de nouveaux modes de production de biens informationnels.
  • Recueillir les points de vue (discours, arguments, jugements) des acteurs impliqués dans des actions de productions collaboratives quant à leurs relations sociales avec leurs partenaires professionnels, leurs collègues ou leurs supérieurs.
  • S'interroger sur l'efficience des méthodes de production collaborative ouverte et sur les critères qui la caractérisent.
  • Observer la manière dont les biens produits sont utilisés par les acteurs concernés.
  • Expliquer le rôle et la place des dispositifs techniques utilisés (Niveau d’intervention possible sur les contenus et leur format, interactivité, caractère collaboratif, coût cognitif d'entrée, niveau de création possible, niveau d’appropriation possible)
  • Examiner les conditions de production de contenus ouverts et de biens communs.

Méthodologies.

1. Le choix des champs d'investigation.

Pour comprendre cette dynamique nous proposons de nous intéresser à plusieurs types d'organisations publiques et de biens informationnels. Nous avons aujourd'hui identifié cinq champs d'étude, liés à cinq types spécifiques de biens publics informationnels.

  • La production de biens publics informationnels de types bibliographiques, biographiques ou culturels dans le cadre des missions culturelles et éducatives.
  • La production de biens publics informationnels de type politique dans le cadre de l’action politique des collectivités territoriales.
  • La production de données naturalistes ou environnementales notamment autour des problématiques de développement durable.
  • La production de biens publics informationnels liés à l'accès public à Internet.
  • La production de biens publics de types juridiques, liées à la mission de service public et de régulation du domaine public.

Ils se caractérisent a priori par le fait qu'ils sont issus d'organisations publiques appartenant à des secteurs d'intervention différents. Ils font également l'objet d'une histoire d'enclosure non-marchande et qui peut à tout moment être remis en question soit en étant encore plus fermé soit au contraire en faisant la place à une ouverture. Typologie des contenus et des productions.

Pour cerner l'état d'avancement de cette mutation en cours, nous envisageons d'établir, dans une première étape, une typologie des contenus et des modes de productions collaboratifs de biens communs. Il s’agira, par exemple de recenser et d’explorer, les sites d’organismes de missions et de services publics développés sous des licences ouvertes du type Creatives commons.

Cette première recherche, sera l'occasion d'impliquer les réseaux des partenaires sollicités et d'utiliser les méthodes de l'intelligence économique pour repérer, sur le web, les sites qui proposent des actions de productions collaboratives de biens informationnels dans le cadre de services publics.

Cette recherche systématique sera traitée dans le cadre d'une matrice croisant les types de biens communs informationnels et les types de services publics.

2. Elaboration d'un cadre théorique et methodologique.

Pour répondre aux objectifs énoncés précédemment, nous explorerons les différents champs des sciences humaines et sociales exposés dans l’état de l’art.

Tout d'abord, l'introduction de nouvelles méthodes de production de biens publics informationnels suggère des mutations dans les métiers de ces secteurs tant d'un point de vue des savoirs, des savoir-faire que des identités professionnelles. Cela nécessite donc de se référer aux travaux menés en sociologie des professions autour de la notion de changement. Cela pour expliquer la manière dont les personnes réagissent aux mutations au sein des organisations auxquelles elles appartiennent: réaction en terme de savoir, de savoir-faire et de savoir être.

Ce premier élément est étroitement lié avec la dimension organisationnelle des services publics concernés.

La notion de service public renvoie à une autre notion qui est celle d'intérêt général. Jusqu'à présent les personnels qui composaient les services de l'Etat, des collectivités locales ou des instances délégataires étaient investis de l'exercice de l'intérêt général, défini par les instances représentatives, à travers l'organisation ces services publics. Laissant aux individus qui n'appartenaient pas à ces services le rôle tour-à-tour de citoyen, d'administrés, de public, etc.

Or l'ouverture de la production des biens publics laisse supposer une mutation dans l'exercice des services publics et d'une certaine manière de l'intérêt général. La philosophie politique et les sciences politiques nous amène donc à réfléchir à ces mutations.

Cet élément est nécessairement lié à la définition et à la caractérisation des biens [et des services ?] qui sont produits au sein de ces organisations. Qu'est-ce qui différencie un bien marchand d'un bien non-marchand ? Cela renvoie nécessairement aux travaux menés sur la valeur tant en économie qu'en philosophie.

A l’issu de cette tâche, l’équipe de travail aura en main une méthode d’enquête et une grille d’analyse qui lui permettra d’investiguer les axes thématiques que nous avons identifiés préalablement.

Le projet de recherches sur crédits incitatifs que nous présentons ici s’arrête à cette étape. Les enquêtes de terrain seront développées sur d’autres fonds.

3. Enquêtes de terrain.

Nous envisageons pour mener à bien ces enquêtes de terrain d’utiliser les outils classiques du recueil de données, à savoir l’enquête par questionnaire et par entretien. Il est cependant prématuré de développer cette phase qui dépendra de la phase préalable de problématisation et d’élaboration du cadre théorique et méthodologique.

Notes

(1) Nous posons a priori comme biens publics informationnels, les biens ayant une vocation à transmettre de la connaissance. Ils sont publics du fait de leur relation forte au bien collectif, ce qui les rend a priori non susceptibles d'être sujet à une appropriation privée à des fins marchandes.

(2) Tel que le projet Gutemberg qui numérise et met en libre usage 400 nouveaux livres par mois, les fonds de carte aux USA, le projet wikipedia ou les productions sous une des licences Creative Commons.

(3) Le développement de wikipedia est symbolique de cette « liberté » d'écriture qui privilégie une multiplicité d'apports corrigés en relecture par opposition au modèle d'écriture privilégiant une écriture par les experts reconnus.

(4) Tel que les registres d'états civils de Mayenne qui sont en ligne et donnent la possibilité d'annoter avec l'interprétation du texte scanné figurant au registre. Ce qui enrichit l'information et permet des recherches indexées.

(5) Pour la France, citons l'INSEE qui interdit aux communes de mettre à disposition les données qu'elles ont elles-mêmes collectées pour son compte et s'en réserve la vente.

(6) Ex. Licence Creative commons de la BBC, d'Arte radio.

(7) C'est l'exemple de la musique, de l'image diffusée sur les réseaux.

(8) GENSOLLEN Michel (2005) "L'économie politique du code ouvert" dans AGIR, N°20-21, (N° "La Société de l'information, enjeu stratégique"), version pdf du working paper.